L'Assassinat de Jean Dechames


Qu’est-ce qui s’est vraiment passé ?


jeudi 6 octobre 2016, par Alain Charmasson


Cette histoire qui suit n’a jamais été bien élucidée, il s’en est beaucoup parlé, mais on reste incertain quand aux déroulement des faits. 
Dans cette fin du XVIIIe, début du XIXe siècle, à Saint-Remèze (Ardèche), vivait un garde-chasse nommé Jean Dechame. De nature très coléreuse, il ne pouvait supporter que la loi soit bafouée ; c’est ainsi qu’il avait verbalisé son épouse prise en flagrant délit en train de ramasser de l’herbe dans une parcelle communale.


Le patronyme Dechame était très répandu à Saint-Remèze, huit familles portaient ce nom et chacune avait un sobriquet. Ainsi, Jean Dechame était surnommé Marjal ou Marzal, d’après le nom d’une graminée.






Ce garde forestier est né à Saint-Remèze le 12 août 1764 et décédé le 15 janvier 1812.


Ce matin-là, il se trouvait à l’endroit actuel de l’aven Marzal, avec son chien. Depuis quelque temps, il guettait un braconnier nommé Jean François Boulle, propriétaire du mas de Beauregard. Ce même-jour, celui-ci se trouvait dans les parages en compagnie de son jeune berger, Nicolas Lunel, originaire de Bidon.


Vers le milieu de la matinée, les deux hommes Boulle et Dechame se sont trouvés face à face, La colère a très vite monté et la poudre a parlé : Jean François Boulle venait de tuer le garde-chasse et son chien. Ensuite, il les a jetés dans un trou (l’aven Marzal actuel) devant les yeux horrifiés de Nicolas Lunel, son berger.




Peu de temps après, lors d’une battue, les corps du malheureux et de son chien furent retrouvés.



Le squelette reconstitué du chien du garde forestier est présenté, de nos jours, à l’intérieur du gouffre de l’aven Marzal. 


L’acte de décès de Jean Dechame : 


L’an 1812, le 19 du mois de Janvier, par devant nous Jean antoine Madier maire et officier de l’état civil de la commune de St-Remèze, département de l’Ardèche, canton de Bourg Saint-Andéol, sont comparus Jean Louis Dejour demeurant à St-Remèze, profession de cultivateur, qui a dit être beau frère du défunt, et Antoine Dechame, profession de cultivateur, demeurant à St-Remèze, qui a dit être cousin du défunt, lesquels nous ont déclaré que Jean Dechame, âgé de 45 ans, profession de garde forestier, demeurant à St-Remèze, mari de Cécile Maucuer, est décédé le quinze du mois de janvier courant l’heure de six du soir au dit St-Remèze. Et les déclarants ont dit ne savoir signer de anquis et requis.
Source : AD de l’Ardèche, Saint-Remèze, Etat civil, Décès 1803-1812, (vue 101/114).


Plusieurs versions existent


Nous savons que cela s’est réellement passé le 15 janvier 1812, cependant plusieurs versions ont été dites sur cette affaire.


D’après Charles Boulle, ancien maire de Saint-Remèze, Jean François Boulle aurait plaidé la légitime défense devant le tribunal de Nîmes. En effet, selon lui, les deux hommes auraient mis en joue en même temps et il aurait été plus rapide pour tirer... Ce qui lui aurait valu d’être acquité. Cette version est assez difficile à croire car, à cette époque, un crime contre l’autorité vous garantissait la guillotine (on guillotinait d’ailleurs pour moins que ça !).


Mais, un article évoquant cette affaire, paru il y a fort longtemps dans le Dauphiné Libéré, disait que le jeune berger aurait parlé de cette histoire sur son lit de mort, Nicolas Lunel est décédé le 26 septembre 1859. Toutefois, d’après une autre source, le jeune berger aurait dénoncé son maître juste après le crime.


Quelle est la version exacte ? Le saurons-nous un jour ?


Jean Dechame était le fils de Pierre et de Marguerite Saladin, de Saint-Marcel-d’Ardèche. Il était l’époux de Cécile Maucuer et leur fils Jean a fait souche à Saint-Remèze.




Jean François Boulle, né le 21 février 1760, fils de Jean François et de Jeanne Dallen, était l’aîné de douze enfants. Il avait épousé Marguerite Chenivesse de Gadix, petit hameau du village de Gras, père de six enfants, il est décédé le 5 décembre 1824. 


Nicolas Lunel, dit Coulaud, né en 1796 à Bidon (Ardèche), épousa Marie Elisabeth Soufletel, originaire de Bagnols-sur-Cèze. Ils s’installèrent à Saint-Remèze où il exerça la profession de cabaretier. Il est décédé le 26 septembre 1859.


J’ai pu localiser les trois acteurs de cette triste affaire grâce aux études généalogiques publiées par Martin Charmasson (1781-1859), expert géomètre. Celui-ci avait établi la généalogie de toutes les familles de Saint-Remèze de 1650 à 1850. A l'époque ce village comptait environ 1000 habitants.

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